A la mort de Charles V, en 1690 , après un règne curieux puisqu’il n’a jamais séjourné dans son Duché , la possession par la France depuis 1552 des Trois Evêchés ( Metz, Toul , Verdun ) et sa présence en de nombreux lieux stratégiques , les fortifications de Vauban ( Metz, Bitche, Phalsbourg, Thionville , Toul , Longwy , Montmédy ) et les ambitions de Louis XIV annoncent déjà la fin de l’indépendance . Ce sera à Léopold puis à François III de gérer les dernières années avant le rattachement qui sera programmé en 1736 et définitif en 1766.
Stanislas Leszczynski
Avant son arrivée en Lorraine, il semble intéressant de résumer son parcours de prince et roi « voyageur »
Né en 1677, à Lviv, Pologne à l’époque, Ukraine de nos jours, il est issu d’une famille princière reconnue.
De son mariage avec Catherine Opalinska en 1698, naissent deux filles, dont Marie, future épouse de Louis XV.
Favori de Charles XII, roi de Suède, il est élu Roi de Pologne une première fois en 1704. Mais sous la pression des partisans d’Auguste II, et suite à la défaite de Charles XII à Poltava en 1709, il doit céder sa couronne en 1713, et s’installe un temps en Alsace.
C’est le début d’une errance qu’il met à profit pour s’intéresser aux sciences, à la musique, à la philosophie, aux arts en général. Après les décès de sa fille aînée Anna et de Charles XII, il vit à Wissembourg (France).
Louis XV a 15 ans, il est grand temps de lui trouver une épouse pour assurer la descendance ; on « repère » les princesses dignes de devenir Reine de France et, dans la liste des 99 « possibilités », c’est la fille de Stanislas, Marie, âgée de 22 ans, qui est « l’heureuse élue » !
Le mariage est célébré en deux étapes : Strasbourg puis Fontainebleau. Nous sommes en août 1725. Les beaux-parents de Louis XV sont maintenant à Chambord et Stanislas gère le domaine entre de courts séjours à Versailles.
Marie Leszczynska
En 1733, nouvelle élection en Pologne : Auguste III devrait succéder à Auguste II, mais Stanislas postule et retrouve son trône, pour… peu de temps, car dès juin 1734 , sous la menace russe, il est contraint de s’enfuir dans des conditions rocambolesques.
Il renonce à son trône en 1736 et regagne la France, à Meudon.
Voici le beau-père du roi de France déchu, sans avenir ; mais Louis XV et la diplomatie européenne vont venir à son secours.
Le roi Stanislas en Lorraine ( 1737-1766 )
La Lorraine, convoitée depuis longtemps par la France, va être au centre des tractations du Traité de Vienne. François III, en acceptant la Toscane, laisse la Lorraine « orpheline ». Louis XV pense à son beau-père pour assurer une transition en douceur avant le rattachement définitif au royaume. Les négociations aboutissent et, par la Déclaration de Meudon, Stanislas reçoit la Lorraine en viager : à sa mort, (que l’on pense assez proche, il a déjà 60 ans), La Lorraine deviendra une province française. Mais c’était sans compter sur la longévité de ce bon vivant. Le Roi de Pologne, qui gardera son titre, devient également Duc de Lorraine.
1737, François III devient François II, grand duc de Toscane ; Stanislas quitte Meudon et, le 3 avril, arrive à Lunéville, rejoint par Catherine et par un nombre important de membres de l’aristocratie polonaise et d’intellectuels.
Le château de Léopold est rénové, l’environnement embelli, une cour brillante s’y installe pour 29 années.
Gestion de la Lorraine de 1737 à 1766
La déclaration signée à Meudon est claire, son titre de Duc est nominatif et le pouvoir sera exercé par un représentant nommé par Louis XV : Antoine-Martin Chaumont, marquis de la Galaizière qui, avec le titre de Chancelier, a le pouvoir sur l’administration , la justice, les finances , la police.
De nombreuses mesures seront impopulaires : augmentation de la fiscalité, nouveaux impôts, levée de bataillons, fournitures pour approvisionner les armées du roi …
Cependant, depuis son château de Lunéville où l’esprit des Lumières attire Voltaire, érudits et artistes, Stanislas ne reste pas inactif. Il s’investit dans de nombreux domaines : fondations religieuses et d’ordres intellectuels, création d’écoles gratuites et de bourses d’études, bibliothèques, collège de Médecine … sans oublier la « Société royale des sciences et belles lettres », connue de nos jours sous le nom d’ « Académie Stanislas », autant de mesures qui vont justifier son surnom de « Bienfaisant ».
En 1744, le château de Commercy devient la propriété du duc Stanislas Leszczyński. L’ex-roi de Pologne en fait une de ses résidences favorites. Avec sa cour, il fait de fréquents séjours à Commercy, où l’étiquette est plus détendue qu’au château de Lunéville
L’œuvre d’une vie ; la création de la place royale qui deviendra la Place Stanislas
Le projet de Stanislas de relier la Ville-Vieille de Nancy à la Ville-Neuve de Charles III est réalisé quand, en 1755, est inaugurée la Place Royale, reliée à la place de la Carrière par un arc de Triomphe et au centre de laquelle trône la statue de Louis XV.
Emmanuel Héré et Jean Lamour ont donné à Nancy un ensemble architectural harmonieux, élégant et majestueux : la Place Stanislas. Sa statue remplace celle de son gendre, détruite à la Révolution et son index pointé continue à conduire notre regard vers … ?
Lorsqu’il meurt, à Lunéville, le 23 février 1766, suite aux brûlures occasionnées par sa chute devant la cheminée de sa chambre, un émissaire porte la nouvelle à Versailles et la Lorraine est définitivement française.
A partir de ce jour de février 1766, l’histoire de la Lorraine se confond avec celle de la France.
Le « Bon roi Stanislas » a su s’attacher le cœur des Lorrains et son nom reste associé à de nombreuses réalisations architecturales en Lorraine. C’est le cas de l’Eglise Notre-Dame de Bonsecours, à l’entrée de Nancy, où reposent son épouse, le cœur de Marie et lui-même, estimant qu’il n’avait pas sa place dans la Chapelle des Cordeliers, car il n’était pas descendant de la lignée de Gérard d’Alsace, le fondateur de la dynastie des Ducs de Lorraine.
Mausolée de Vassé
L’église N.D. de Bonsecours (Emmanuel Héré), de style rococo, chargée d’Histoire, mérite une visite attentive et demeure un lieu de pèlerinage pour de nombreux Polonais.
Quant à la petite Histoire, on peut penser à lui en savourant babas au rhum et madeleines, pâtisseries créées à son intention, la première à Lunéville, la seconde à Commercy.
Pour en savoir plus :
« La Lorraine du Néant aux Lumières de 1648 à 1789» par G.Cabourdin , Editions Mars et Mercure Wettolsheim, 3ième trim 1977