Lothaire II meurt en 869 sans héritiers légitimes . Commence alors un jeu de bascule pour l’aristocratie lorraine : se tourner vers l’Est ( Empire ) ou vers l’Ouest ( royaume de France ).
I/ Un nouveau partage
Finalement, elle se rallie à Othon Ier, donc à la dynastie saxonne, et notre territoire est incorporé au Saint Empire Romain Germanique et divisé en deux duchés :
– La Basse Lorraine, du Luxembourg à la Mer du Nord
– La Haute Lorraine, celle-ci gardant seule le nom de Lotharingie , et comprenant les quatre évêchés ( Trêves, Metz, Toul, Verdun ) .
II/ Une Lotharingie sous tutelle, divisée et convoitée
Par sa position géographique, notre Duché devient la « Marche » occidentale du St Empire, à l’écart des grandes voies commerciales ; son unité territoriale est compromise par les Trois Evêchés, par les Comtes de Vaudémont, de Luxembourg, par les puissantes abbayes de St Dié, Moyenmoutier, Senones et surtout Remiremont.
Voici donc un Duché sous tutelle, véritable « puzzle » , car à cela s’ajoute un enchevêtrement de possessions dont la multiplication conduit à des conflits sans fin et qui a pour conséquence d’attiser la convoitise de ses voisins .
L’Empereur s’appuie sur les Evêques dont il contrôle les élections.
Ducs, vassaux et fonctionnaires sont choisis parmi les grandes familles de la région :
– Celle des Ardennes pour le Comté de Bar
– Celle de Verdun, puis celle des Comtes d’Alsace pour le Duché de Lorraine
III/ Des Ducs héréditaires
Mise en place par l’Empereur Henri III en 1045, la dynastie, issue successivement des Maisons d’Alsace, d’Anjou, puis de Vaudémont, règnera 7 siècles, jusqu’en 1737 ( voir épisode 4 ), le titre se transmettant, sauf exceptions ) de père en fils.
Les premiers Ducs appartiennent à la famille d’Adalbert et Gérard d’Alsace, comte de Dabo.
Gérard d’Alsace et les cinq successeurs porteront le titre de « Marquis », nom dérivé de Marche ( voir plus haut : zone frontière ) . Il faut voir la Lorraine comme une province administrée par des représentants de l’Empereur germanique et malgré leur titre, nos Ducs ne sont pas des princes territoriaux puissants .
IV/ Le XIème et le XIIème siècles
Ces siècles confirment l’émiettement du paysage politique, voient naître l’éclatement du pouvoir et la constitution de la « pyramide féodale ».
Les Evêques, suite à la Querelle des Investitures, perdent de leur influence et celle des laïques progresse. Les bourgeois, princes, seigneurs prennent des initiatives et bénéficient de nouveaux avantages.
Le Duc de Lorraine et le Comte de Bar profitent de la situation pour étoffer leur principauté ; le Duc étend sa mouvance vers la vallée de la Moselle, le comte étire ses terres du Luxembourg à la Bourgogne et grignote l’évêché de Verdun. De nouveaux centres voient le jour : St Mihiel, Neufchâteau, Épinal, Mirecourt, Gondrecourt, et pour la première fois apparaît le nom de Nancy ( construction d’un château entre 1050 et 1060 ) .
Ces villes , enrichies par le commerce du sel, du vin et des céréales, tendent à conquérir leur autonomie et se dotent d’une forte enceinte ( Nancy, Commercy, Blâmont ).
Cependant, elles n’ôtent pas la suprématie à Metz, avec ses 30 000 habitants, ses foires, ses changeurs et qui demeure la plus puissante, la plus active. Quant aux communautés religieuses, elles ne cessent d’augmenter ; fondées par trois ordres principaux, bénédictins, cisterciens, prémontrés, les abbayes sont nombreuses. Le pèlerinage de St Nicolas de Port est très fréquenté.
V/ Une poussée française qui se précise
Le XIIIème siècle voit la Lorraine sombrer dans des conflits incessants qui dressent les uns contre les autres évêques, princes, villes. L’influence germanique va s’atténuer en raison de l’anarchie qui règne dans l’Empire alors que celle de la France progresse avec l’annexion de la Champagne par Philippe le Bel (1285 ), créant ainsi une frontière commune entre France et Lorraine.
Une étape importante de cette influence se situe à l’aube du XIVème, en 1299, quand le comte de Bar devient vassal de Philippe le Bel pour les terres qu’il possède sur la rive gauche de la Meuse : le Barrois mouvant, c’est-à-dire dans la mouvance (indépendance) du roi de France.
La frontière entre France et Lorraine est désormais confondue avec le cours de la Meuse.
Ce lent mais irrésistible rapprochement franco-lorrain va s’illustrer par l’épopée qui conduira une jeune bergère née aux marches du royaume, à porter secours au roi de France.
La première étape du parcours héroïque de Jeanne d’Arc la conduit à Vaucouleurs, place française proche de Domrémy où elle a vu le jour en 1410, 1412 ? Avec sa petite escorte, elle se rend à Chinon, délivre Orléans, conduit le futur Charles VII à Reims et assiste à son sacre. Blessée devant Paris, faite prisonnière à Compiègne, son épopée se terminera sur le bûcher à Rouen, le 30 mai 1431.
La mission de la « Bonne Lorraine » la rattache plus étroitement à la France qu’à sa province d’origine et fait naître un sentiment de patriotisme français. Elle s’est sentie d’abord française dans la lutte qui a opposé le « Roi de Bourges » aux Anglais.
Le personnage de Jeanne d’Arc a donné une renommée inattendue à la Lorraine, a traversé les siècles, inspiré écrivains, artistes, cinéastes et son nom est lié à celui de la France.
VI/ Regroupement des duchés
Le XVème siècle est également marqué par l’union entre les duchés de Lorraine et de Bar ( le comté de Bar était devenu duché en 1354 ).
Edouard III, duc de Bar est tué à Azincourt en 1415, et n’a pas d’héritier. Le duché de Bar est confié à René d ‘Anjou, un comte français et de plus beau-frère de Charles VII. Celui-ci, par son mariage avec Isabelle, fille du duc Charles II, doit hériter de la Lorraine .
Mais, suite à la contestation de la branche des Vaudémont, il faudra attendre le mariage de Yolande, fille de René avec Ferri, héritier des Vaudémont, pour que les deux duchés n’en forment plus qu’un.
Cette union va-t-elle donner naissance à un état relativement puissant ? Pas dans l’immédiat.
Entretemps, Charles VII a pris possession d’Epinal, et mis sous son protectorat Toul et Verdun mais a échoué devant Metz, farouchement défendue par ses bourgeois .
VII/ L’échec du Téméraire
Si la Lorraine est tiraillée entre Empire à l’Est et France à l’Ouest, elle vit également sous la menace du Duc Charles de Bourgogne qui songe à l’annexion de notre territoire, maillon manquant entre Bourgogne et Pays-Bas pour reformer un état unique, copie de l’ancienne Lotharingie.
Charles commence par négocier avec notre tout jeune Duc René II et fait son entrée à Nancy où il installe ses officiers. Mais les Nancéiens se soulèvent, chassent les Bourguignons et rappellent leur Duc. Charles, le Téméraire, vient mettre le siège devant Nancy. René II, avec le concours des Suisses et des Alsaciens, remporte la bataille de Nancy le 5 janvier 1477.
Le lendemain matin, le cadavre de Charles le Téméraire, à demi dévoré par les loups, est retrouvé près de l’étang St Jean.
Si René II a évité la disparition de ses deux duchés et assuré définitivement leur unité, il n’en est pas le principal bénéficiaire, les fruits de sa victoire allant au roi de France Louis XI qui annexe la Bourgogne, la Picardie, l’Artois et la Franche-Comté.
C’est au cours de ce conflit que la croix double servant d’insigne aux Lorrains devint le symbole de la résistance et fut appelée « Croix de Lorraine ».