Tchernobyl la plus grande catastrophe nucléaire civile de tous les temps
Le 26 avril 1986 à 1h24 du matin, la plus grande catastrophe de l’industrie nucléaire civile se produisait à la centrale nucléaire de Tchernobyl. L’explosion consécutive à une expérience bâclée est 130 fois supérieure aux 2 bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Le réacteur en fusion déverse dans l’atmosphère 7000 fois plus de particules radioactives que les bombes atomiques ayant explosé sur le Japon en 1945.
La centrale « Lénine » de Tchernobyl vient de rentrer dans l’histoire par la grande porte de l’horreur, de la bêtise et de l’inconscience humaine.
Ce n’est pas qu’un simple accident industriel, mais un cataclysme global dont les retombées vont affecter tout le vieux continent, et laisser deux pays traumatisés à jamais, l’Ukraine et la Biélorussie.
Selon les experts, leurs effets sur les populations et l’environnement vont durer plusieurs décennies.
Une expérience hasardeuse à l’origine du désastre
L’accident Tchernobyl, c’est d’abord une expérience réalisée dans des conditions hasardeuses, juste « pour voir ». Très vite, le réacteur s’emballe et échappe à tout contrôle. La puissance instantanée du réacteur atteint 100 fois sa valeur nominale en 4 secondes.
La température atteint les 1000 degrés. Le Zircinium entourant les barres de combustible se désagrège. Une importante quantité d’hydrogène s’accumule sous le couvercle.
La plaque tubulaire de 15 m de diamètre -qui forme la protection du réacteur- commence à se disloquer. Elle est constituée de 200 cubes de plomb qui pèsent chacun 350kg. Cette plaque de 700 tonnes de plomb est prise de tremblement et explose. Le cœur s’effondre, et le couvercle, une dalle de 2000 tonnes, se soulève à la verticale sous le choc de l’explosion.
Les 192 tonnes de combustible nucléaire entrent en fusion.
(Note : 1 gramme d’Uranium 235 fournit autant d’énergie que la combustion de 2,4 tonnes de charbon ou 1,6 tonne de pétrole)
Une fraction du combustible fond et coule, sous forme de lave, dans le fond du réacteur. Une partie s’évapore pour être propulsée par l’explosion dans l’atmosphère.
Les produits les plus volatiles s’élèvent jusqu’à 2000m d’altitude et donnent naissance au sinistre nuage qui va balayer d’Europe.
Explosions et incendies s’enchaînent dans le réacteur, 10 jours durant. Il fallut attendre 5 mois pour interrompre le rejet de matières radioactives dans l’atmosphère.
Le nuage radioactif est composé d’une très grande quantité d’éléments radioactifs, l’Iode-131 et le Cesium-137, notamment.
L’Iode-131 dont la période radioactive est courte a aujourd’hui pratiquement disparu, non sans avoir causé d’important problèmes de santé.
Le Césium-137 (137Cs), toujours présent aujourd’hui en grande quantité dans l’environnement compte tenu de sa période radioactive (30,2 ans), représente le principal radio élément radioactif relargué à l’origine des expositions actuelles et futures.
Heureusement, les isotopes du Plutonium (Pu) très radio-toxiques par ingestion (40 fois plus que le Césium-137) mais très peu volatiles se sont déposés dans les environs immédiats de la centrale. Ils ont contaminé cette zone pour des milliers d’années.
A 1000 m d’altitude, les éléments radioactifs ont formé un nuage.
La masse d’air contaminée, poussé par un vent Sud Est-Nord Ouest, s’est d’abord dirigée vers la Baltique et la Scandinavie puis vers le Sud Ouest (Europe Centrale, Italie, France) pour terminer sa course au Sud (Grèce, Turquie).
Durant le mois de mai, une grande quantité d’isotopes radioactifs retombe sur l’Europe. Ce sont les pluies qui ont influencé les retombées au sol. La quantité retombée sur un site coïncide avec un épisode pluvieux survenu lors du passage du nuage radioactif. La distance par rapport au lieu de l’accident n’est pas un facteur déterminant pour expliquer les retombées radioactives. La quantité de radioactivité retombée varie énormément sur de courtes distances. On parle de « tâches de contamination » ou de taches de Léopard.
Dans la ville de Pripiat (zone interdite), des relevés récents ont montré, 20 ans après l’évènement, des contaminations dépassant les 25 000 000 Bq/m².
En dehors de la zone interdite, les zones les plus contaminées se trouvent à proximité du site de l’accident, en Ukraine, en Russie et en Biélorussie (contamination supérieure à 185 000 Bq/m² de 137Cs).
Viennent ensuite les lieux ayant subi de fortes précipitations (Alpes, Vosges, Corse, Pays de Galles, Scandinavie) avec des niveaux compris entre 40 000 et 100 000 Bq/m². Sur le reste de l’Europe, les retombées de 137Cs sont comprises entre 0 et 40000 Bq/m².
600 000 personnes sacrifiées pour confiner la pollution
Alors que le feu fait rage, une poignée de pompiers, appuyés par des pilotes d’hélicoptères, tentent d’éteindre en vain le brasier. Ils périrent presque tous.
Il faudra attendre 5 jours pour que le régime soviétique évacue les 45 000 habitants de la ville de Prypiat située à proximité immédiate de la centrale.
En Ukraine, en Russie et en Biélorussie, 135 000 personnes sont évacuées dans un périmètre de 30 km autour de la centrale qui deviendra « zone interdite ».
Venant de toutes les républiques d’Union Soviétique 600 000 «liquidateurs» sont mobilisés pour déblayer les décombres, enfouir les déchets et construire, à partir d’octobre 1986, un sarcophage provisoire.
Afin de confiner le réacteur, 14 000 tonnes de matériaux ont été larguées par hélicoptère, 64 000 m3 de matériaux radioactifs et 800 000 litres d’eau radioactive, y sont enfouis et toujours en activité. Un sarcophage de béton et d’acier est rapidement construit au dessus du combustible en fusion dans des conditions de travail épouvantables.
Le sarcophage de la centrale de Tchernobyl, protection ou cache misère ?
Le tunnel creusé sous le réacteur en fusion par les mineurs du Dombas afin d’y injecter de l’azote liquide pour refroidir le réacteur est un échec.
Le sarcophage prévu pour durer 30 ans est composé de grandes plaques en acier reposant sur des poutres d’une hauteur de 50 m.
Compte tenu de l’importante activité dans le réacteur, ces plaques ont été posées avec des grues sans possibilité d’assurer leur jointure et leur fixation.
Construit trop rapidement, le sarcophage présente dans sa structure des points faibles très inquiétants.
Dans un rayon de 30 km les matériaux fortement contaminés (près de 1 000 000 m3 de déchets) sont enfouis au bulldozer dans près de 800 fosses de stockage sans aucune étanchéité au regard des eaux de pluie, 200 villages sont détruits.
Une zone d’exclusion de 30 km autour de la centrale est décrétée, c’est la zone interdite.
Bien entendu, les rivières et les nappes phréatiques respectent rarement ce genre de frontière.
Les vastes zones humides de la région de Tchernobyl s’écoulent lentement, inexorablement, vers le Diepr. Kiev, n’est qu’à quelques dizaines de km à l’aval …
C’est en toute inconscience que les Kieviens s’y baignent les beaux jours venus.
Et que dire de la « mer de Kiev », cette immense retenue artificielle créée sur le Diepr en amont de la capitale. Nul doute que des centaines de tonnes de sédiments contaminés s’y sont accumulés au fil des ans.
Des conséquences sanitaires dramatiques
Au moment de l’accident, un employé de la centrale est mort sous le choc et deux autres des suites de leurs brûlures. Parmi les sauveteurs et les pompiers, 237 personnes ont été hospitalisées, dont 134 pour « irradiations aiguës ».
Au total environ 600 000 liquidateurs (pompiers, militaires, ingénieurs, techniciens, médecins et chercheurs) se sont relayés autour du site : 260, tous âgés de moins de 40 ans, sont morts.
On estime que 10% d’entre eux ont reçu une dose de 250 mSv et 30 à 50% ont reçu des doses comprises entre 100 et 250 mSv (contre 150 mSv naturel sur une vie entière).
Il est aujourd’hui impossible de déterminer l’impact réel de l’accident sur cette population particulièrement exposée aux irradiations. Les équipements de protection individuel étaient pratiquement inexistants ; certains d’entre eux ont évacué à la pelle, le combustible nucléaire qui avait été projeté à proximité de la centrale.
Les liquidateurs représentent un groupe difficile à appréhender car ils sont aujourd’hui éparpillés dans les anciennes républiques de l’Union Soviétique. Aucune enquête épidémiologique sérieuse n’a été réalisée.
Fait marquant, les liquidateurs présentent un vieillissement accéléré.
L’impact sanitaire lié à une exposition continue à de faibles doses radioactive constitue la principale incertitude.
En 1996, 270 000 personnes vivaient dans des zones où l’activité de 137Cs dépassait 600 000 Bq/m² (correspondant à des doses de 80 à 440 mSv) et 3 700 000 personnes dans des zones comprises entre 40 000 et 600 000 Bq/m² (doses de 70 à 200 mSv). Les habitants de ces zones sont continuellement exposés à des irradiations externes et ingèrent des aliments contaminés.
Les pathologies
Fait indiscutable lié à l’accident de Tchernobyl : l’augmentation considérable d’un facteur 10 à 100, depuis 1990 du taux de cancer de la thyroïde. L’Iode-131 est à l’origine de ces pathologies.
Une fréquence accrue notamment chez les enfants qui avaient entre 2 et 16 ans en 1986, en Biélorussie, au nord de l’Ukraine et dans le sud de la Russie. 4 000 cas de cancer de la thyroïde sont directement imputables à l’accident.
Le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé évalue à 4 000 le nombre de personnes qui pourraient, à terme, décéder de cancers et de leucémies radio induits des suites de l’accident survenu il y a une vingtaine d’années dans la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Le professeur CHARPAK, prix Nobel de Physique, estime quant à lui que
la radiation libérée lors de l’accident de Tchernobyl a causé 30 000 décès par cancer.
Qu’en sera t-il des personnes exposées à des rayonnements radioactifs de moyenne à faible intensité, toute leur vie durant ? Personne ne peut le dire aujourd’hui.
Vingt ans après l’accident de Tchernobyl, les habitants des zones touchées n’ont toujours pas les informations dont ils ont besoin pour mener une vie saine et productive et aucun contrôle sérieux des produits alimentaires issus des zones touchées n’est réalisé.
Dans la population, rares sont ceux qui abordent cette question.
Dans cette région en proie à d’importantes crises économiques et sociales, les habitants du Nord de l’Ukraine et de Biélorussie n’ont pas d’autre choix que de continuer à vivre dans des zones contaminées et à consommer champignons et produits du potager dont la contamination est avérée.
Le fatalisme l’emporte face cette menace invisible et sournoise ; l’Ukrainien fait confiance à sa bonne étoile.
Mais pourrait-il en être autrement ?
Après moi le Déluge
La longévité du sarcophage qui emprisonne les restes du réacteur ne sera jamais à la hauteur de ce qu’on attend de lui.
Est-il possible de protéger les alentours d’une radioactivité qui restera active pendant 100 000 ans, au-delà de toute histoire humaine ?
Les constructions en béton ne sont fiables qu’à hauteur de quelques décennies.
L’oxygène atmosphérique attaque les structures internes et les oxyde de manière irrémédiable.
Le béton lui-même n’est pas chimiquement stable.
Il faut une construction plus durable que les Grandes Pyramides qui n’ont « que » 3000 ans ….
Gorbatchev qui a dû gérer la crise a lancé un avertissement et donné ses conclusions,
« il faut trouver d’autres solutions que le nucléaire. Tout cela peut se reproduire demain, partout. Il suffit pour cela que les centrales cessent d’être inconvenablement entretenues ou deviennent vétustes. Seuls de complets imbéciles inconscients peuvent prôner les vertus du nucléaire ».
Mikhaïl GORBATCHEV
Si pareille catastrophe devait survenir en Europe de l’Ouest ou en France, serions-nous capables de trouver 600 000 liquidateurs assez fous pour confiner la pollution ? C’est peu probable…
Lien Liquidateurs : www.astrosurf.com/luxorion/tchernobyl3.htm